3 mars 2009

L'histoire de Taz


Western Topaz - dit Taz - est né en Oregon. Un blond modèle 2000, fils de Glory et de Gideon. Tout jeunot, Taz a été acheté par une dame du Montana (ou était-ce du Wyoming ? Je ne suis plus certaine...) qui, par la suite, a déménagé en Géorgie, avec chevaux et bagages.

L'an dernier à la même époque, l'éleveuse de Taz m'écrit que sa propriétaire le met en vente : elle est gravement malade et ne peut plus le monter ni vraiment s'en occuper. L'éleveuse me dit combien Taz était un chouette poulain prometteur, gentil, curieux, etc. et elle aimerait bien que son garçon ne tombe pas entre de viles mains... Donc je contacte la vendeuse, nous échangeons quelques courriels et quelques appels téléphoniques. Elle m'envoie des photos : le bonhomme a de beaux yeux, une belle conformation - un peu maigre à mon goût, mais si c'est un cheval qui travaille régulièrement, c'est compréhensible... - bref, malgré mon faible pour les beaux ténébreux, le gentil blondinet trouve grâce à mes yeux et je me dis qu'il fera un bon cheval d'école qui, lui, ne sera jamais indisponible pour cause de gestation, de lactation ou de période de rut !

Et là, je commet une erreur digne d'une arpette : j'achète un cheval adulte sans lui faire passer d'examen vétérinaire...

Quelques semaines plus tard, je me rends au point de rendez-vous fixé avec le transporteur qui m'emmène Taz de Géorgie à la frontière USA/Canada. Comme la plupart des transporteurs, il ne veut pas s'embêter à traverser la frontière. Pour ma part, cela me convient. Du moment qu'un cheval a des papiers en règle, ce n'est pas compliqué et nous habitons juste de l'autre côté, donc l'affaire se règle généralement en moins d'une heure.

Comme convenu, le chauffeur m'appelle lorsqu'il n'est plus qu'à 30 minutes de notre point de rendez-vous. De mon côté, la remorque est déjà attelée, j'ai toute la paperasse administrative nécessaire en main, en moins de dix minutes, j'ai passé la frontière et je suis prête à récupérer mon beau blond, enthousiaste à l'idée d'enfin le rencontrer en chair et en os.

Quand la porte de la remorque s'ouvre, Taz est bien là. Mais de chair... disons qu'il lui en manque assez. Il n'est pas que la peau et les os, mais il est certain qu'une centaine de kilos additionnels ne lui ferait pas de tort. Taz a toujours ses beaux yeux, mais ils sont tristes. Il porte une couverture qui camoufle un peu l'étendue de son émaciation. Je me dis que si l'envie soudaine venait à un vétérinaire des douanes de venir vérifier ce qu'il y a dans ma remorque, je ne suis pas certaine qu'il nous laisse passer... bien qu'ils aient dû en voir bien d'autres.

Finalement, le bureau des douanes se contente de vérifier les certificats de santé (sic) et les papiers du blond mélancolique, sans omettre de prélever les taxes dues, et je ramène ma «plus noble conquête de l'Homme» dans ce qui seront ses nouveaux foyers.

Nous sommes fin mars au Québec et Taz arrive d'une région où c'est déjà l'été. Il n'a presque plus de poil d'hiver et il voit probablement la neige pour le première fois depuis qu'il a quitté le Montana (ou était-ce le Wyoming ?). Pour cette raison, un box l'attend dans l'écurie où sont déjà les poneys, afin de lui tenir chaud, tout en lui permettant de socialiser.

Taz est gentil, attentif, manifestement bien éduqué. Il fait tout ce que je lui demande, ne renâcle à rien. Mais il est toujours mélancolique et ne mange ses granulés que si je suis à ses côtés. Même son foin, pourtant bien appétant, ne le tente guère. Dès que je m'éloigne, et malgré la présence des poneys gourmands (qui eux ne se font jamais prier pour engloutir leur portion - et celle du voisin -, appliquant à la lettre la devise favorite de mon grand-père quand venait le dessert : «Le premier qui a fini aide l'autre !» - mais je m'égare, revenons à Tazounet), il cesse de manger. De la part d'un Curly, s'est VRAIMENT surprenant et quelque peu inquiétant.



Appelée à la rescousse, ma vétérinaire vient l'inspecter : dents, parasites, maladie ? Le blond Taz n'avoue rien qu'une morosité triste à voir. Il ne s'anime que lorsque je lui tient compagnie, manifestement heureux de ma présence et de l'attention que je lui porte. Même si c'est plutôt flatteur, ce n'est pas ce que j'attendais de lui.

Je décide que Pirate doit être le compagnon idéal pour Taz et il est clair qu'ils ont une bonne interaction, même s'il est criant que c'est Pirate qui domine. (Photos ci-contre)

Je me dis que Taz s'ennuie de sa famille (deux vieilles juments, un lama et un mouton) et qu'il faut lui laisser le temps de s'adapter à tant de nouveautés : climat, environnement, habitants à deux et à quatre pattes...

Les semaines et les mois passent, Taz ne parvient pas à s'intégrer. J'essaie de le mettre avec l'un, puis l'autre... Taz est toujours le souffre douleur, toujours mordu. Et malgré une supervision attentive de son alimentation, il n'a pris que quelques kilos, pas autant que je le voudrais. Il est manifeste qu'il manque non seulement de gras, mais aussi de muscles, donc impossible d'envisager de le monter, je ne le trouve pas assez «en état». Je suis persuadée que tant qu'il n'aura pas retrouvé le moral, le physique ne suivra pas. Pourtant, Taz est toujours aussi gentil et facile. Il est curieux, s'intéresse passionnément aux humains, aux chats, aux chiens et même aux vaches du voisin. Mais pas aux chevaux !

Milieu de l'été. Taz est maintenant dans le plus gros des troupeaux. Il semble commencer à tisser des liens avec les pouliches les plus jeunes, elles aussi en bas de hiérarchie. Il y a du progrès et j'autorise mes stagiaires à commencer à le travailler, histoire de le muscler gentiment, d'abord à la longe. Taz semble à l'aise et savoir ce qu'on attend de lui. Il est sage et aux ordres. Bon, après une semaine, je décide que l'on peut doucement le remettre sous la selle, histoire de lui trouver un travail, ce qui est un élément essentiel de l'estime de soi, même chez les chevaux. La stagiaire le longe un peu, le selle et l'emmène au centre du manège : Taz est aux ordres, attentif, tout l'attitude d'un habitué de la chose. La stagiaire se met délicatement en selle... Taz reste sage, trois secondes, puis explose dans un rodéo que bien des broncos lui auraient envié !!! Évidemment, la stagiaire fait un vol plané et Taz, le regard inquiet et manifestement contrit, revient se mettre aux ordres. Pour moi, il est clair que ce cheval a mal au dos. Son ancienne propriétaire m'avait bien dit qu'il «testait» un peu son cavalier au début, mais que, ensuite, tout rentrait dans l'ordre. Évidemment, si ce cheval était sous-musclé, monté quand-même, malgré les signaux de douleur qu'il envoyait aux humains, je peux comprendre que l'idée d'avoir a subir un martyr qui lui avait été épargné depuis des mois, ça lui ait fait péter un boulon... sauf que, que vais-je en faire ? Étant moi-même en mal de dos chronique depuis des années, je ne peux que compatir. D'où vient-il, ce mal de dos ? Est-il réparable ? Que vais-je bien pouvoir faire de lui ?

La suite demain...

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